Empreintes antiques : les oppida et traces celto-ligures

Bien avant les Romains, le bassin du Val d’Arenc était habité par les Celto-Ligures, peuple de collines et de mer. Leur présence se devine encore dans les pierres rousses des oppida, ces villages fortifiés perchés offrant un point de vue incomparable sur la vallée et la Méditerranée.

  • Oppidum du Castellet : Classé monument historique, il surplombe le village médiéval et offre une vue imprenable sur le vignoble et la mer. Les fouilles archéologiques (INRAP, 2011) ont révélé des murs d’enceinte, des silos à grains et des objets du Ve siècle avant notre ère. Ces sites servent de repère, reliant la naissance du terroir à la transmission de l’agriculture primitive.
  • Le Camp de César à Saint-Cyr-sur-Mer : Vestige mégalithique situé dans la garrigue, ce site évoque les premiers aménagements agraires et le contrôle des voies commerciales. Des fragments de céramique, exposés au Musée de la Préhistoire de Toulon, attestent des échanges méditerranéens, bien avant la vigne.

La toponymie locale, faite de « Baou », « Castellan » et « Arenc », rappelle cette histoire multimillénaire et la parenté entre la terre et ceux qui l’ont défrichée.

De l’amphore au pressoir : les vestiges romains méconnus

Si la renommée de Bandol s’est forgée au fil des siècles, elle doit à Rome l’introduction et la diffusion du vignoble. Ici, les Romains ont laissé des empreintes discrètes mais décisives, encore présentes pour le voyageur attentif.

  • Les Dolia d’Ollioules : En contrebas du Val d’Arenc, Ollioules a livré une rare dolia enterrée, immense jarre servant à la fermentation et au stockage du vin. Le Musée Archéologique de Toulon conserve les fragments découverts lors de fouilles (2014, source : INRAP), révélant l’importance de la viticulture dès l’Antiquité.
  • Vestiges de villas romaines : À Bandol même, des vestiges d’anciennes villae ont été localisés lors de travaux (notamment au quartier de la Gardiette, sources : Service du Patrimoine de Bandol). Des mosaïques au motifs géométriques, des pièces à hypocauste et des traces de pressoirs à main rappellent l’intégration du vin à la culture de villégiature balnéaire.
  • Corniches et canaux d’irrigation romains : On retrouve encore des traces d'ancien canal taillé dans la pierre, longeant certains restanques, vestige de l'ingénierie hydraulique romaine, pratique pour irriguer les vignes en terrasses (étude « Le paysage antique du Bandolais », RACF, 1998).

Ces éléments témoignent de la continuité viticole et de l’influence précoce du commerce maritime (les amphores de vin bandolais retrouvées jusqu’à Rome attestent de ses qualités recherchées).

Chapelles rurales et l’empreinte monastique : le Moyen Âge spirituel

Le Moyen Âge habille le Val d’Arenc de spiritualité discrète et de patrimoine de pierres blondes. Ici, le clergé, les ordres monastiques et les seigneuries ont fixé les paysages, réorganisé les cultures et construit des lieux emblématiques, souvent en lien avec la vigne et l’olivier.

  • Chapelle Saint-Côme et Saint-Damien à Bandol : Datant du XIIe siècle, cette chapelle, habilement restaurée, trône au milieu du vignoble. C’est l’un des plus anciens édifices religieux du secteur, longtemps refuge des vignerons face aux épidémies et sanctuaire de la « bénédiction des récoltes ». On y célébrait, au Moyen Âge, la fête des moissons. Sa façade, simple et puissante, se détache sur fond de rochers et de vignes.
  • Chapelle Sainte-Anne du Castellet : Édifiée sur une terrasse surplombant les vignes, elle remonte à l’époque romane. Le 26 juillet, on y vient encore bénir les vendanges, perpétuant une tradition séculaire. Cette chapelle a aussi servi de point de rassemblement des vignerons, marquant la solidarité paysanne du territoire.
  • Le prieuré Saint-Cyr : Attesté dès le XIVe siècle, ce bâtiment désormais ruiné fut un foyer d’exploitation agricole collective et de transfert de techniques viticoles, sous l’égide des Bénédictins.

Lieux de mémoire et de spiritualité, ces petits sanctuaires soulignent la perméabilité entre foi, terroir et identité locale. Beaucoup proposent encore des visites guidées au fil de la saison, ponctuant la balade de récits médiévaux (Office de Tourisme de Bandol).

Maisons vigneronnes, bastides et architectures rurales : le patrimoine paysan

Le paysage du Val d’Arenc ne serait pas le même sans l’omniprésence de ses maisonnettes vigneronnes, témoins de la vie rurale simple et efficace, d’avant la mécanisation généralisée.

  • Les “cabanons pointus” : Petit habitat saisonnier, généralement construit en pierre sèche et parfois surmonté d’une toiture conique, il servait d’abri lors des longs travaux de la vigne. Leur origine, souvent attribuée au XVIIIe siècle, se relie aux cabanes gauloises. Aujourd’hui, on en dénombre encore une centaine entre Évenos, Le Castellet et le Brûlat, certains restaurés, d’autres en ruines (recensement 2021, Parc naturel régional du Verdon).
  • Bastides et maisons de maîtres : Entre les allées de pins et les oliveraies, les bastides du XIXe siècle témoignent de la prospérité liée au vin, notamment grâce aux exportations vers l’Amérique et l’Angleterre. Le motif de la bastide rose ou ocre, à double escalier, accentué par une “fenêtre du vigneron” donnant sur la cave, est typique du style bandolais.
  • Restanques et murs en pierre sèche : Ces terrasses étagées, indispensables à la culture sur sols pentus, existent en majorité depuis le XVIIe siècle (un inventaire de 2017 recense plus de 250 km de murs en pierre sèche dans l’aire d’appellation Bandol selon le CAUE Var). Véritables ouvrages d’art rural, inscrits à l’UNESCO, ils témoignent de l’ingéniosité des générations de vignerons.

Ces bâtis, souvent privés ou exploités encore aujourd’hui, sont essentiels à la personnalité du terroir. Le Conseil d’architecture, d’urbanisme et de l’environnement du Var propose des itinéraires dédiés à la découverte de ces architectures rurales.

Patrimoine caché : moulins, source miraculeuse et traces du XIXe siècle vinicole

Au fil de la route des vins, d’autres témoins, parfois insoupçonnés, racontent l’évolution du Bandolais moderne : des moulins à vent aux lavoirs, en passant par la fameuse source de Saint-Come, évoquée dans de nombreux contes locaux.

  • Les moulins d’Evenos et du Brûlat : Véritables repères dans le paysage, ces moulins du XVIIIe siècle, dont certains ont servi à moudre le blé mais aussi les sarments de vigne, jalonnent les crêtes. Le moulin de Sainte-Catherine au Beausset, aujourd’hui restauré, ouvre parfois ses portes lors des Journées du Patrimoine.
  • La source Saint-Côme : Sise près de la chapelle éponyme, cette source était réputée guérir les fièvres et redonner vigueur aux travailleurs du vignoble. Dans les années 1800, elle était le théâtre de pèlerinages, suivis de banquets paysans arrosés de vin local (source : Jean-Pierre Brun, “La Provence Viticole”, Ed. CNRS).
  • Les coopératives vinicoles historiques : Au XXe siècle, la création des premières caves coopératives, dont celle du Castellet en 1912 et celle du Beausset en 1925, marque l’organisation collective de la production et la naissance de l’AOC Bandol en 1941 (source : INAO). Certains bâtiments, comme l’ancienne cave du Beausset, sont aujourd’hui classés et reconvertis en espaces culturels.

Le vignoble, paysage culturel vivant et témoin d’histoire

Le Val d’Arenc et le vignoble de Bandol sont bien plus qu’un ensemble de parcelles productives : c’est un véritable paysage culturel évolutif, inscrit dans la durée, où chaque pierre, chaque bâtisse, chaque rang de vigne raconte une page du dialogue entre l’homme et son environnement. La diversité des vestiges — de l’oppidum oublié à la bastide passionnément restaurée, des remontées de chapelles aux pierres sèches vénérables — invite à une exploration plus riche et sensible qu’on ne le croit souvent.

Pour le voyageur curieux, la Route des Vins de Bandol ne se limite ni aux dégustations, ni aux panoramas : elle se fait lecture d’une histoire plurielle, invitation à comprendre la genèse des grands terroirs méditerranéens. Observer un cabanon abandonné, longer une restanque centenaire ou pousser la porte d’une vieille chapelle, c’est refaire le geste silencieux de toutes celles et ceux qui, des Celto-Ligures aux vignerons contemporains, ont sculpté “une terre de Bandol”, vibrante d’humanité, de mémoire et d’avenir.

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