Le Val d’Arenc à l’époque antique : prémices d’une vocation viticole

Il suffit de fouler le sol du Val d’Arenc pour percevoir, sous la lumière méditerranéenne, le souvenir discret de ses origines antiques. Dès le VI siècle avant J.-C., les Grecs établissent des colonies comme Tauroentum (actuel Sainte-Anne d’Évenos, à quelques kilomètres du Val). Les amphores retrouvées dans la baie de Bandol (source : Musée de Bandol) et sur les collines attestent d’une vigne ancienne, fruit de la Méditerranée des premiers échanges commerciaux.

  • IIe siècle av. J.-C. : Les Romains développent la viticulture, la dotant de techniques sophistiquées, comme en témoignent les vestiges de pressoirs et mosaïques retrouvés tout autour du Val.
  • La Via Aurelia relie Rome à Arles en passant par l’arrière-pays, ouvrant la voie aux échanges et au commerce du vin local, souvent préféré à celui de Massalia (Marseille) pour sa « puissance » et sa robustesse (source : Pline l’Ancien dans Histoire Naturelle).

Premières pierres d’une identité, ces héritages se lisent encore aujourd’hui dans la disposition des parcelles et le caractère vif des sols.

Le Moyen Âge et la renaissance rurale : périodes d’ombres et de renouveaux

Le Haut Moyen Âge plonge la Provence rurale dans l’anonymat, rythmée par les invasions et la peste. Mais la vigne survit, portée par la Résilience paysanne et l’influence monastique.

  • Les abbayes cisterciennes jouent un rôle fondamental dans la préservation de la viticulture (source : Archives départementales du Var). Elles perfectionnent l’art du travail à la main et sélectionnent les meilleurs terroirs, dont le Val d’Arenc bénéficiera grâce à la proximité du prieuré de Saint-Côme.
  • Au XII siècle, les cartulaires de l’Évêché de Marseille mentionnent pour la première fois la vente de vins provenant du Val d’Arenc (« Vallis Arenca »), preuve de l’ancienneté du nom et de son activité agricole.

Au fil des siècles, malgré les départs causés par la peste noire (1348), la densité humaine reprend, la vigne et l’olivier s’entrelacent à nouveau dans la garrigue.

Du « vin de navigation » à la naissance de Bandol-le-port : la Renaissance et l’âge du commerce

C’est au XVI siècle que l’histoire tourne. Avec la création du port de Bandol en 1595 sur ordre du duc de Guise, la région se réinvente. Le Val d’Arenc, situé en arrière-plaine, s’affirme alors comme réserve nourricière et vignoble de l’ombre, tandis que Bandol devient la grande porte maritime.

  • Le « vin de navigation », ainsi nommé en raison de sa capacité unique à bien vieillir en mer, part vers l’Angleterre, la Flandre et les colonies antillaises (source : Ville de Bandol). Il conquiert les tables grâce à son aptitude au mûrissement et à sa robe sombre, offrant aux négociants un atout recherché.
  • En 1776, Napoléon Bonaparte, alors jeune officier, offre du « vin noir de Bandol » lors d’un banquet : preuve de la renommée acquise (source : Vins de Bandol – Comité Interprofessionnel).

L’ensemble du Val d’Arenc participe à cet essor, ses familles vigneronnes investissant dans l’agrandissement des domaines et la plantation de mourvèdre, cépage espagnol devenu emblème de Bandol.

Révolutions du XIXe siècle : phylloxéra, renaissance paysanne et premiers syndicats

Mais nulle histoire viticole provençale ne va sans catastrophe : la deuxième moitié du XIX siècle bouleverse le Val d’Arenc et ses voisins. Le phylloxéra, ce minuscule puceron américain, ravage en dix ans la quasi-totalité de la vigne varoise.

  • Entre 1865 et 1890, près de 90 % des vignes du Val d’Arenc sont détruites, forçant les familles à l’exil ou à la reconversion (source : Chambre d’Agriculture du Var).
  • Dans la tourmente, une solidarité rurale s’organise : apparition des premiers syndicats agricoles, mutualisation des moyens, importation de plants américains et greffage sur porte-greffes résistants – une révolution technique, parfois source de pertes irréversibles quant aux cépages locaux.

Malgré les pertes, cette période voit aussi la modernisation des outils et des pratiques : pressoirs à vis, extension des caves semi-enterrées, amélioration de l’assemblage. C’est l’acte fondateur d’une viticulture, non plus familiale, mais professionnelle.

Après la guerre, la route vers l’AOC : le renouveau d’un terroir

Le XX siècle consacre le retour à la renommée. Après les deux guerres mondiales et les privations qui s’ensuivent, le Val d’Arenc participe à l’élan national de la valorisation des terroirs.

  • En 1941 naît l’Appellation d’Origine Contrôlée Bandol (source : INAO), l’une des toutes premières AOC françaises pour les vins rouges et rosés.
  • Le Val d’Arenc compte parmi les 8 premières communes admises sous l’appellation, après une sélection rigoureuse des terroirs basée sur l’analyse des sols, la proportion de cépages (minimum 50 % de mourvèdre imposé), la vinification traditionnelle et la durée d’élevage de 18 mois minimum pour les rouges.

La reconnaissance s’accompagne de progrès décisifs :

  • Implantation de caves coopératives et chais privés innovants, alliance d’ancrage et de modernité.
  • Recherches agronomiques dans les années 1960-70 autour du mourvèdre, pour acclimater parfaitement ce cépage au climat aride (source : INRAE).
  • Montée en puissance de la notoriété dans la presse et concours internationaux : médaille d’Or à l’Exposition Universelle de Bruxelles, 1958.

Le Val d’Arenc au XXIe siècle : défis écologiques et rayonnement culturel

Le début du millénaire marque une nouvelle étape. Face aux changements climatiques, la communauté viticole se réinvente, fidèle à son esprit pionnier. Plusieurs axes cristallisent les enjeux actuels :

  • Biodiversité et agroécologie : Depuis 2005, plus de 40 % des surfaces du Val d’Arenc sont en conversion ou certifiées bio (source : Agence Bio), contre une moyenne nationale de 14 %.
  • Préservation des murets, restanques et forêts : de nombreux projets patrimoniaux voient le jour entre 2010 et 2022 grâce à la mobilisation des associations locales — reconstitution des murets en pierre sèche, valorisation des anciens chemins de transhumance et création d’un sentier d’interprétation paysager.
  • Rayonnement œnoculturel : Festivals, balades œnologiques, lectures en vignes ou expositions de peintres provençaux essaiment chaque été, tissant un lien vivant entre terroir, tradition et innovation.

Le Val d’Arenc devient un vivier d’initiatives où cohabitent exploitations historiques et jeunes domaines, témoins d’une dynamique de transmission, d’adaptation et d’ouverture au monde.

Regards sur la mémoire vivante du Val d’Arenc

À qui sait regarder, le Val d’Arenc propose une mosaïque d’événements gravés, non seulement dans les actes notariés ou les pierres de cave, mais aussi dans la mémoire partagée, les récits locaux, les gestes des vendangeurs et la polyphonie des saveurs.

  • Les plus anciennes familles, telles que les Portalis ou les Delagarde, figurent encore sur les cadastres de la fin du XIX siècle.
  • Des anecdotes racontent certaines récoltes mémorables, comme celle de 1962, où le mistral brûlant détruisit 60 % de la récolte… et donna naissance à l’un des millésimes les plus intenses jamais produits (source : témoignages oraux, Musée de Bandol).
  • Chaque nouvelle cuvée, chaque vendange manuelle perpétue un dialogue subtil entre passé et présent, tradition et audace.

Découvrir Val d’Arenc, c’est accepter que les événements ne se résument pas à une frise de faits : ils infusent chaque pierre, chaque mot, chaque verre partagé. Ces grandes dates inscrivent la Terre de Bandol dans une dimension sensible, faite de mémoire, de résilience et de lumière.

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